Restos du cœur : les Enfoirés fêtent à Bordeaux les 35 ans du spectacle, « l’anniversaire d’une triste réalité

« Il me faut Fiori au piano ! » Le chanteur des « Gens qu’on aime » rapplique rapido. Ce lundi 15 janvier après-midi, deux jours avant la première, sur la scène de 600 m², les chaises d’un orchestre classique imaginé pour un morceau, version lyrique de… « La Goffa Lolita », du groupe La Petite Culotte. Chez les Enfoirés, qui ont investi l’Arkéa Arena depuis dix jours, on ne craint pas les pas de côté. Des figurants à la pancarte au nom de l’artiste suppléent l’encore absent. Une vingtaine parmi les 45 que comptera la troupe pour les sept concerts de la semaine est déjà là. Le sprint a commencé.

« Il me faut Fiori au piano ! » Le chanteur des « Gens qu’on aime » rapplique rapido. Ce lundi 15 janvier après-midi, deux jours avant la première, sur la scène de 600 m², les chaises d’un orchestre classique imaginé pour un morceau, version lyrique de… « La Goffa Lolita », du groupe La Petite Culotte. Chez les Enfoirés, qui ont investi l’Arkéa Arena depuis dix jours, on ne craint pas les pas de côté. Des figurants à la pancarte au nom de l’artiste suppléent l’encore absent. Une vingtaine parmi les 45 que comptera la troupe pour les sept concerts de la semaine est déjà là. Le sprint a commencé.

Voilà 35 ans maintenant que, chaque année, des grands noms de la variété, du cinéma, de l’humour, du sport et de la télé sont les personnages bénévoles d’une kermesse de luxe pour soutenir l’action des Restos du cœur créés par Coluche à l’hiver 1985-86, quelques mois avant sa mort accidentelle le 19 juin. Quatre ans plus tard et à l’initiative de Jean-Jacques Goldman, auteur de l’originelle « Chanson des Restos », une première tournée est organisée, où ce dernier est accompagné de Véronique Sanson, Johnny Hallyday, Eddy Mitchell et Michel Sardou.

Bénévolat

Le spectacle des Enfoirés a évolué sous la houlette de Goldman et TF1, chaîne partenaire diffusant l’émission-concert, vers un best of des plus gros succès passés et actuels de la chanson interprétés par des têtes d’affiche du moment aux côtés de « piliers », comme un Patrick Bruel, présent cette semaine pour la 32^e fois consécutive. Les sketches de transition puis des petites fictions en coulisses sont venus nourrir l’émission de mars, dont la date précise n’est pas encore arrêtée. Près de 300 artistes et personnalités ont participé à l’une des 35 éditions des Enfoirés.

« L’édition 2023 a permis de financer 14 millions de repas »

« L’anniversaire d’une triste réalité », soupire Anne Marcassus, directrice artistique des Enfoirés, qui a rejoint l’aventure la même année que le chanteur de « Casser la voix ». Elle rappelle le concept du spectacle : des titres rassembleurs chantés par des vedettes pour un spectacle, des CD et des DVD au succès maximal afin d’abonder les caisses des Restos. « L’édition 2023 a permis de financer 14 millions de repas », rappelle Patrice Douret, président de l’association, qui salue le bénévolat total des artistes (seuls sont payés les techniciens et les musiciens), celui aussi des 300 Girondins qui font vivre les antennes des Restos du département à l’année, venus prêter main-forte pendant deux semaines pour le show dans la grande salle de spectacle au bord de la Garonne cette année.

Standards et succès de l’année

Depuis le 8 janvier, l’Arkéa Arena est devenu un immense village d’Enfoirés où Josie, de l’antenne de Sainte-Eulalie, va manger sans chichi à côté de Julien Clerc ou Gaëtan Roussel, un des petits nouveaux de 2024. « Dès la fin d’une édition, on travaille à la prochaine, confie Anne Marcassus. On regarde clips, spectacles, sites graphiques et magazines pour des idées de décors, de tableaux. Dans un groupe WhatsApp, une liste de chansons évolue au fil des mois – les succès actuels et des éternels que l’on revisite. » Dont une nouvelle version de « Quand on arrive en ville » cette semaine, trente et un ans après l’édition des « Enfoirés chantent Starmania ».

Sur la scène de l’Arena, les écrans digitaux, dont les performances ont progressivement réduit les décors construits, font frôler la conjonctivite et laissent voir que « Born to Be Alive » sera au menu 2024. Jérémy Frérot, régional de l’étape, est perché sur une plateforme 20 mètres au-dessus du parterre encore vide. Dans les gradins, des groupes de bénéficiaires se relaient, invités par les Restos à assister aux répétitions. Sur le parvis extérieur, José Carrera vient d’y passer une heure. « Inoubliable, dit-il. On participe à la fête, on n’est jamais oubliés, aux Restos. »

53 000 spectateurs en sept concerts

L’enjeu est encore plus crucial cette année pour l’association qui, comme beaucoup d’autres, colmate tant bien que mal les énormes brèches sociales laissées béantes par les gouvernements depuis quarante ans. « Nous accueillons 200 000 personnes supplémentaires cette année », souligne encore Patrice Douret, qui a lancé l’alerte en septembre 2023. « L’inflation touche les plus fragiles avec une violence inouïe, engendrant des difficultés énormes pour se déplacer, s’alimenter, se chauffer. Nous attendons encore et toujours une prise de responsabilités, avec des décisions vraiment structurantes. »

Les Restos tentent de tenir en attendant. Cela passe par ces sept concerts aux 53 000 places écoulées en quelques minutes, dont les spectateurs raffolent des tableaux colorés et diablement costumés mais aussi des imprévus, des ratés et des fous rires. Le montage final sera nickel pour la diffusion en mars. Un CD ou un DVD acheté permettra encore de fournir 17 repas. Puisque, ailleurs, rien ne bouge vraiment, le slogan de Coluche « On compte sur vous » reste désespérément d’actualité.