Le président des Restos du cœur appelle à la « générosité de tous » face à l’afflux de familles en difficulté

Effets ravageurs de l’inflation, hausse des demandes, familles monoparentales fragilisées, enfants à la rue, bénévoles parfois eux-mêmes en difficulté… Patrice Douret, président des Restos du cœur, dresse un état des lieux inquiétant dans un entretien accordé à Midi Libre au moment où débute la 38e campagne d’hiver de l’association de Coluche.

La nouvelle campagne d’hiver des Restos du cœur commence cette semaine, faites-vous face à une hausse des demandes ?

Oui, elle est très claire et c’est ce qui motive mon cri d’alarme. Nous n’avons pas l’habitude d’être très alarmistes, mais là nous sommes inquiets parce qu’on constate, avant même le début de cette 38e campagne, une augmentation de 12 % du nombre de personnes accueillies, par comparaison avec l’an dernier sur la même période.

Parmi elles, 15 % sont des familles et on note une évolution assez rapide depuis le mois d’avril.

Quel est le profil de ces personnes qui frappent à votre porte ?

Ce sont des profils qu’on connaît habituellement, mais certains types de familles, de personnes, sont en plus grand nombre. Par exemple, il y a une hausse significative des familles monoparentales, avec beaucoup de mamans seules avec leurs enfants.

Ce qui explique aussi l’augmentation de 25% du nombre de bébés de 0 à 3 ans accueillis par les Restos du cœur depuis le début de l’année.

Comment analysez-vous ce phénomène ? Que dit-il de l’évolution de notre société ? 

Très clairement, aujourd’hui, on constate que l’inflation, la hausse des coûts, notamment de l’alimentation et de l’énergie, font qu’on retrouve dans les centres des Restos du cœur des personnes qui avaient encore, jusqu’à présent, un reste à vivre – c’est-à-dire ce qu’on a à la fin du mois quand on a déduit toutes les dépenses -, plus important. Aujourd’hui, il est extrêmement faible et ne permet pas de survivre.

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Ces personnes font face à des dépenses excessives, beaucoup trop fortes pour leurs ressources, notamment sur les produits pour les bébés tels que les couches, le lait, les petits pots. Tout cela est cher et, lorsqu’il y a un choix à faire, il se fait en direction des enfants, c’est normal.

C’est donc aussi l’une des conséquences directes de l’inflation…

C’est  très certainement ce qui frappe le plus fortement les plus démunis. Ce qui fait qu’un grand nombre de personnes qui étaient déjà en difficulté franchissent ce mur de la honte et viennent rejoindre les centres d’activité des Restos du cœur. Parce qu’il est trop difficile pour elles de joindre les deux bouts. Elles n’ont plus le choix.

Y a-t-il aujourd’hui, comme on le dit, de plus en plus de familles à la rue avec les enfants ?

C’est une inquiétude très récente, nous n’avons pas encore consolidé et fiabilisé les chiffres. Mais, effectivement, plus de la moitié des départements font remonter une tendance à la hausse du nombre de personnes rencontrées à la rue.

Dans certains départements, il y a plus de femmes, d’ailleurs, et quelquefois aussi des enfants, ce qu’on ne rencontrait pas auparavant. Ces personnes sont dans une situation de pauvreté extrême.

Les Restos du cœur sont-ils assez armés pour faire face à la situation, à cette hausse des demandes ?

Ce qui est certain, c’est que nous avons décidé de rester présents, de ne pas baisser les bras. Malgré la hausse des prix qui nous affecte aussi, nous ne réduisons pas l’aide apportée, ni les projets qui avaient été lancés.

Mais nous avons effectivement plusieurs inquiétudes : quelles ressources recevrons-nous, notamment, de nos donateurs ? 

Se pose aussi la question des bénévoles. Ils sont souvent eux aussi en difficulté face à l’augmentation des prix et n’ont pas toujours les moyens de continuer à assumer leurs dépenses en faveur du bénévolat. Certains ont dû reprendre un emploi alors qu’ils sont retraités. D’autres ont arrêté parce que le coût du carburant et donc des déplacements est trop cher. 

La troisième inquiétude, ce sont nos propres charges de fonctionnement. Les Restos du cœur achètent plus du tiers de ce que nous distribuons gratuitement. Et aujourd’hui l’augmentation des prix de l’alimentation, de l’énergie, nous frappe, nous aussi.

Attendez-vous, à ce sujet, une aide du gouvernement ?

L’aide, nous l’attendons d’abord pour nos bénévoles, parce que sans eux, nous ne pourrions pas maintenir nos missions et il est hors de question de faiblir devant la hausse de la précarité.

Nous demandons la transformation de la réduction fiscale qui est proposée actuellement en crédit d’impôt, pour que cela soit équitable (afin que les bénévoles non imposables puissent, eux aussi, se faire rembourser une partie de leurs frais de déplacement, NDLR). .

Sur la question de l’inflation, des coûts de l’énergie qui pèse aussi sur vos charges, vous n’avez pas de dispositif d’aide des services publics ?

Non, aucun. Une aide sur les dépenses d’énergie, un bouclier tarifaire sur les carburants ont été évoqués, mais aujourd’hui je n’ai aucune précision, ni surtout décision qui irait dans ce sens-là, tout au moins pour nous, Restos du cœur.

Et il y a aujourd’hui un vrai risque d’effet ciseaux entre nos dépenses et nos ressources. Nous serons extrêmement attentifs à l’évolution de la précarité, mais aussi de nos dépenses. Nous avons déjà mis en place un certain nombre d’actions en interne pour rationaliser, mutualiser, faire des économies, cumuler les contrats-cadres et les partenaires qui nous permettent de maîtriser nos dépenses.

Comment évoluent, parallèlement, les dons au moment où nombre de Français peinent à faire leurs propres courses ?

Pour l’instant, c’est stable, nous avons la chance d’avoir des Français qui nous soutiennent et sont généreux avec les Restos du cœur. L’inquiétude porte sur le mois en cours, les deux prochains mois. Car une grande partie des dons sont reçus chaque année au mois de novembre et de décembre. 

Donc oui, aujourd’hui nous sommes plutôt inquiets sur le niveau de dons que nous allons pouvoir percevoir. Parce que beaucoup de donateurs sont des personnes modestes. Et je ne suis pas en capacité aujourd’hui de dire si elles pourront nous aider. Nous comprenons très bien que les personnes en difficulté, à un moment donné, puissent se retrouver confrontés au choix de continuer à donner aux Restos du cœur, ou de remplir leur frigo.

Souhaitez-vous adresser aujourd’hui message ?

Nous avons pris nos responsabilités en ne regardant pas passer cette vague de précarité. Il n’est pas question de laisser les personnes qui comptent sur vous dans les difficultés. Nous avons donc besoin aujourd’hui de la générosité de tous.

Le spectacle des Enfoirés est l’une de vos ressources importantes. Avez-vous été finalement indemnisés, comme vous l’espériez, pour le manque à gagner lié à l’absence du public à Montpellier l’an dernier, en raison des restrictions anti-Covid ?

Nous n’avons pas reçu un seul euro ! Ni même une seule réponse écrite du ministère de la Culture à l’époque… Cela représente donc pour nous une perte sèche de 4 millions d’euros qui n’a pas été compensée.

Pour la prochaine édition, les six concerts qui auront lieu à Lyon, en janvier 2023, nous avons pu vendre toutes les places en moins de vingt-quatre heures. Nous attendons avec impatience le retour du public. Parce que c’est un moment festif exceptionnel, ce spectacle est toujours très attendu. Mais aussi parce que les Enfoirés représentent, comme vous le savez, entre 8 et 10 % des ressources des Restos du cœur. C’est indispensable.

Le but de les-enfoires.net est de rassembler en ligne des données autour de Le réseau des Enfoirés puis les présenter en tâchant de répondre du mieux possible aux interrogations du public. Cette chronique est générée du mieux possible. S’il advenait que vous décidez de présenter des renseignements supplémentaires à cet article sur le sujet « Le réseau des Enfoirés » il vous est possible d’écrire aux contacts indiqués sur notre site web. Ce texte a été trié par la plateforme les-enfoires.net sur le web pour la raison qu’il apparait dans les colonnes d’un blog voué au thème « Le réseau des Enfoirés ». D’ici quelques heures, on publiera d’autres annonces sur le sujet « Le réseau des Enfoirés ». Alors, consultez systématiquement notre blog.